Encore
une nuit agitée... Je ne parviens que difficilement à trouver le
sommeil, tard. Et très tôt, quelque chose me réveille. Ce sont les
problèmes que rencontrent les Japonais, qui m'encombrent l'esprit.
Depuis environ 04h30 ce matin, je remue ces idées sombres dans ma tête.
Pour me distraire un peu, et tenter de trouver un peu de repos tout de
même, je me laisse bercer par la lumière du jour qui point peu à peu au
travers le volet incomplètement baissé, exprès. Cette lumière naissante
m'en rappelle une autre, finissante.
C'était
un soir de mars 1991, un mercredi si mon souvenir est correct. Je
venais de coucher les enfants. L'atmosphère était pesante dans
l'appartement, sans doute je venais encore de m'engueuler avec leur
mère. Je suis sorti prendre l'air. Nous habitions alors en périphérie de
la ville : un petit dix minutes à pied pour rejoindre le centre
suffisait.
Comme je remontais la rue du 145 ième
RI, la nuit finissait de descendre. Il devait être dans les 20h30, les
devantures des magasins s'enluminaient. En passant devant le restaurant
italien, mon regard fut attiré par une tâche sombre dans la lumière de
la salle : elle était quasiment vide, en semaine, de clients... C'est la
chevelure noire de Che Nen qui contrastait avec le fond blanchi du mur,
qui m'avait attiré l'œil. Il était attablé, seul, au fond de la salle.
Nos regards se sont immédiatement croisés et compris. Je suis entré le
rejoindre. Une bise. Comment ça va ? Tu fais quoi un mercredi ici tout
seul, si tard ? Je m'inquiétais pour lui comme un père s'inquiète pour
son fils.
Il
venait de s'engueuler avec son père justement. Et comme à leur
habitude, la dispute s'était terminée en pugilat. J'ai su plus tard que
c'était Che Nen qui frappait son père. La seule fois de ma vie où j'ai
eu à rencontrer un tel cas de violence familiale grave. Il était énervé.
Je veux dire : il était à bout de nerfs. Au bord des larmes. Il me fait
vite comprendre qu'il doit partir. Je le vois régler de quelques
billets tout propres son repas, jetés négligemment sur la table. Ce côté
« petit-bourgeois » m'a souvent épaté chez lui, ébloui parfois, moi qui
ait toujours détesté ces gestes larges et assurés.
Sur
le trottoir, il me dit rentrer chez lui. Il prit le chemin inverse au
mien. Vers 22h00, le froid commençait à devenir gênant, je rentrai à
l'appartement. Comme la porte s'ouvrait lentement, pas faire de bruit,
pas réveiller les enfants endormis, le son d'une conversation tapissait
le silence prévisible : dans le salon, assis l'un en face de l'autre,
Che Nen discutait calmement avec elle !
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