samedi 31 mars 2012

18 - Biàn huà ( 变化 )

p170Ce serait le Celsentri ® qui provoquerait ces problèmes de foie ? Fa l'a changé contre de l'Isentress ® . « Au lieu de deux comprimés bleus, vous en aurez deux roses. » Oublié le formidable point dans le dos, pile entre les omoplates, qui m'a paralysé durant une heure ! Et les diarrhées qui m'obligent à maintenir une distance raisonnable avec les toilettes... Les vicissitudes du mogwaï, quoi !

assis1701 Truvada ®, 300 Celsentri ®, 227 Isentress ®. Chaque cachet est estampillé d'un chiffre qui correspond à... A quoi au fait ? L'ancien traitement totalisait 1001 points. 928 pour le nouveau. On se distrait comme on peut, hein ? Peut-être un jour, le total sera égal à zéro ? Le virus terrassé, achevé enfin ?
Mon médecin-traitant a accepté de m'écarter de mon travail quelques jours. Le temps de m'habituer au nouveau traitement. De quoi rassembler les morceaux éparpillés, reconstruire mon image. Gérer ces métamorphoses usantes.变化 biàn huà changement


Biàn huà, [ 变化 ] changement en Chinois

mercredi 28 mars 2012

17 - huǒ kēng (火坑)

regarder2Fa étonnée, l'instant est rare qui ne dure pas d'ailleurs. Immédiatement, les questions fusent : « Vous buvez, Monsieur Chose ? » « Vous avez eu des rapports à risque ? » « Consommez-vous des produits provenant en direct d'une ferme ? » « Absorbez-vous d'autres médicaments ? »... Une averse de questions. Répondre au plus vite, le plus honnêtement possible : rien de simple car Fa continue de pianoter son clavier, indifférente à mes réponses.
Pourtant, en très grande professionnelle, elle capte tout : le moindre changement de ton, la plus petite hésitation. Recoupe même mes réponses en espaçant une même question reformulée. Cherche mais ne trouve pas encore ce qui déséquilibre mon foie. Les résultats ne sont vraiment pas bons depuis deux mois.
regarder

Elle a craint une hépatite C. Mais non ! Ouf ! Les A et B, pas possible. Donc c'est autre chose. La E est envisageable. Tout comme une interaction médicamenteuse. Elle ne sait pas encore quoi. Son inquiétude déteint sur moi. Sauf que la sienne est purement scientifique. Mon inquiétude à moi est radicalement autre : elle me paralyse d'effroi.


La perspective d'un dérèglement non-maitrisable du corps me fait entrevoir une fin proche. Une lutte absurde puisque contradictoire s'engage : chasser les mauvaises habitudes alimentaires et combattre les angoisses de la Mort.

enfer [huǒ kēng]

La vie infernale, l'enfer, l'abîme peut se dire  huǒ kēng  [ 火 坑 ]

vendredi 23 mars 2012

23 – Cache-cache

p163


 

Enfant, ce jeu m'impressionnait. Appartenir à une réalité invisible, certes. Mais surtout : son seul regard bienveillant suffirait à me faire exister. Outre d'être agréable, le découvreur jubile ! Quoi... d'avoir gagné ? Non... de me voir ! Mon plaisir venait de cette lueur de joie perceptible dans son regard.


p162



Le cache-cache des adultes, ça le fait moins, n'est-ce pas ? C'est pourtant à ce jeu – stérile désormais – que Maki aime jouer. Derrière une détresse sociale réelle, il sait se soustraire à mes demandes répétées. Au point de disparaître quasi totalement de notre territoire commun. Me faire croire que tout est suspendu à sa découverte, caché qu'il serait sur la branche de son arbre.


Le problème devient vite le suivant : si la partie dure trop, c'est moi qui se déséquilibre ! Maki disparu ? Nul doute que l'acte soit volontaire ! Si son regard ne se pose plus sur ma personne... peut-être n'existè-je plus ? Enfoui, englouti, avalé par le néant d'un jeu d'enfants.
p161

dimanche 18 mars 2012

22 – Insomnies

p153
Maki aussi ne dort pas bien en ce moment. 800 km nous savent pas nous séparer. Je le sens qui remue sans cesse au fond de son lit. Des questions l'agressent, sans réponses pour l'instant. Des angoisses le torturent. Toucher l'oreiller à mes côtés ne me calme pas plus.
Scruter le moindre changement dans les diodes vertes du réveil augmente ma nervosité. Si les chiffres ne peuvent figer le monde, à quoi bon observer les chiffres ? Seuls les mots apaisent la tempête. Ils neutralisent ce demi-monde peuplé de monstres intimes, le désignent et – le nommant – l'absout.
Maki aime encore. J'ose penser que c'est de moi. Et la nuit blanche parvient encore à abroger les distances qui nous séparent. Notre amour est un océan qui se retire puis revient sans cesse. Sa surface mouvante à la merci d'un grain, s'ondule et crépite sous l'averse de grêles.
p152

jeudi 15 mars 2012

21 – Désespoir

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Un peu exagéré, le mot. Désespoir ? Non. Pas vraiment. Immense tristesse : regarder le spectacle d'un carnage l'air désabusé, la bouche asséchée, l’œil incroyant. Son silence me triture, me torture et me tue. S'alourdir dans un sommeil protecteur.




 





america



12, 24, 48 heures sans nouvelles. Pas un coup de fil. Aucun mail. Nul SMS. Un désert de communication. Une envie urgente : prendre le train, abolir la distance, annuler la séparation. Fuir l'attendu pour construire l'inconnu. 






Chaque instant se cogne à l'inadmissible évidence : son absence creuse l'écart. Tectonique des corps. Impuissance des barrages. Vanité des tentatives. Les fenêtres saignent sur des avenues malsaines, encombrées d’inutiles individualités. Il s'éloigne de toute façon, alors à quoi bon ?
hotel

samedi 10 mars 2012

31 – Aubes

p150Propice aux remémorations, les yeux béants sur une nuit noire. De jeunes émotions, enfouies au plus profond des vieilles mémoires, achèvent un rêve pénible. Agonisante, l'obscurité peut aussi être bienveillante aux difformités. Alors l'image du corps devient anormale – vite insupportable.
L'aube désormais perçue comme un espoir, abolit peu à peu ces anomalies. Comme pour se rassurer, le corps se rapproche de ceux – forcément ancestraux – de l’adolescent. Reviennent alors en mémoire ces instants-clés, intactes étapes sans lesquelles la course eût été impossible.
Des instantanés fugaces, éphémères, instables. Un sourire carnassier accroché au visage de celui-là qui sortait de sa douche, conquérant le monde. Un regard d'yeux verts écrasant de beauté observé de trop près. Un dos juvénile ciselé par une enfance douloureuse.
shower2

20 - Rage

De fait, janvier 2012 a été attendu avec une impatience non dissimulée. Enfin un train le déverse sur le quai. Une démarche mécanique, un las regard, un sourire machinal. Le vieux réflexe me pousse à l'accueillir avec bonté !
rage
Un enfer dix jours durant. Son mot d'ordre : surtout éviter toute intimité ! Ne plus partager les douches ni le canapé. Vase communicant dans tout l'appartement. Seuls les repas sont partagés. Au lit, préférer la télé !
colere
La phrase murmurée, assassine, méchante : « Si ça lui fait plaisir ! ». Se parlait-il à lui-même ? Mon large rictus alors que je rezippais sa braguette, penses-tu qu'il l'a compris ? Même pas sûr ! Dégoûtée, écœurée par tant d'indifférences, ma colère. Rageante sensation que de se voir le seul spectateur de sa vie.
spectateur

mercredi 7 mars 2012

19 – Prétextes

p148
Septembre 2011. Incroyable ! La seule personne qui m'importe au monde, est la seule qui oublie mon anniversaire ! Y'a pas plus seul qu'un pédé un jour de fête. Trop de travail l'accable. Aucun temps libre. Sa famille le phagocyte. Trois jours après, Maki tente de justifier sa goujaterie. Hésiter pakistanentre en rire ou lui tirer dessus, terrible dilemme.

Novembre 2011. Nos corps s'affrontent. Maki propose de mettre en marche la caméra. Une lubie ? Probable. Rien de grave. Gentille perversion, elle ne blesse personne. Malgré le froid, le soleil éclabousse les murs, le parquet, le lit. Toussaint 2011. Notre dernier match. Dernière mêlée.
En janvier 2012, nous passerons 10 jours ensemble, rien qu'à deux. Enfin !...
passe

dimanche 4 mars 2012

18 – Lassitudes

Ça a dû commencer, là, à Nantes. Pluie, vent, grisaille de février. Le parking Graslin résonne-t-il encore des échos de notre désaccord ? Maki venait retirer sa carte d'identité. En plus d'être fiers, lui était impatient. Et moi rassuré : notre amour avait besoin de ce sésame-là.
oeuf
Un restaurant un peu chic fêterait cette réussite. « Pas de repas sans carte », a-t-il décrété. Lui faire entrevoir le contraire eut été peine perdue. Je me suis résigné à la table réservée, l'attendre.
pluie
Un. Puis deux, apéritifs. La commande. Le serveur. Une heure. Deux heures. Trois heures. Vers 16h30, coup de fil... Maki bredouille des raisons inaudibles pour expliquer son retour seul. Un train qu'il a pris vers 14h00. Ce train-là augurerait une série d'à-coups, tu l'aurais deviné, toi ? Pas moi !
dechire

jeudi 1 mars 2012

17 – Hébétudes

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Comment a-t-il dit cela ? La voix douce, les mots cruels. Par la fenêtre, un soleil franc et généreux masquait mal le noroît. Glacial, tout : la pièce, le ton, son sourire. Même son regard, habituellement si noisette, s'était teinté d'une noirceur assassine.






rouge









Il tentait de m'expliquer que je pouvais trouver un autre partenaire. Que l'attendre serait l'idéal mais le plus long des choix. Qu'il changerait de cap. Peut-être même rentrer à Madagascar !












C'est effrayant, la lenteur avec laquelle les choses se désagrègent. Rien ne semble se modifier. Ce n'est qu'après d'infimes secousses, accumulées les unes aux autres, qu'un jour une fissure fait jour.
p147