mercredi 30 octobre 2013

22 - La honte

riviere1Les sourcils froncés à mon explication, déjà, c’était pas bon signe… A 400 € la boite, elle doute de ma bonne foi. Commerçante jusqu’au bout, elle s’escamote dans l’arrière-boutique pour vérifier… Ne trouve pas… Alors elle gueule !…elle hurle à travers l’officine ! Elle dénonce ! Elle montre du doigt ! Elle stigmatise !
Mais pourquoi elle ne se tait pas ? Merde…bientôt, elle va crier au secours ! Les gens vont accourir, m’accuser...les mains ligotées dans le dos, me lyncher. Gibier de potence au réverbère. Pédé ! Sale Juif !, qu’ils me traiteront… Et tous sauront : mes amis, mes voisins, mes collègues, mes amants d’un jour, ma famille, les commerçants…
La pharmacienne ne trouve pas ma commande…Qui s’est occupé de la commande de Monsieur, là ? Le Prézista 800©, il est où ? J’le trouve pas ! Dans mon dos, tous les regards me poignardent, méfiants déjà. On devrait obliger les pharmaciens à être psychologues.

jeudi 24 octobre 2013

04 - His Satanic Majesty Request*

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Ma fragilité plait à Farid et mes faiblesses le rassurent. Puisque dominant, cet homme est inquiet. Ma vulnérabilité le protège de sa féminité. Seuls témoins de cette ombre culturelle – honteuse – mes gémissements lui offrent un asile. 


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Parfois sa brutalité me blesse. Mes lamentations le rassurent. Ma douleur le rend fort, insensible, l'innocente de toutes ces transgressions qui le rendent pesant. Alourdi sur mon dos, un va-et-vient – soudain lent – trace comme une inquiétude. Une petite pointe. Oh !...peu de choses, somme toute. Juste une question au creux de mon oreille, soufflée dans un murmure.
Il s’inquiète de mon plaisir : Dis-moi comment ça te fait ? Comment lui traduire l’amour infini dont j’ai besoin et que sa queue me procure ? Quels mots assez précis pour définir cet éclat soudain ? Cadeau improbable de la Trivialité à la Noblesse. Mon sourire comme réponse semble lui suffire. Mon sourire et ma douleur. Farid est mon Prince satanique.



 




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* "His Satanic Majesty Request" est une interprétation du titre d'un album des Rolling Stones sorti en 1967 intitulé Their Satanic Majesties Request. Cliquez sur ce titre ou la pochette de l'album pour de plus amples renseignements.
 

samedi 12 octobre 2013

03 - Plaisirs

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Une porte s’ouvre qui suppose un mystère. Mon amant, juste derrière, m’attend. A la fenêtre, des rires d’enfant résonnent, se fracassent en cascades sur notre amour ensué.

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Jamais ensemble nous n’irons ni à l’autel ni à l’anneau. Rien que mon plaisir – et le sien aussi – ne célèbrera notre union. Vous !, oubliez mes promesses, j'oublierais vos messes inutiles, celle d’un temps révolu, désormais en arrière de moi.

Une main duveteuse, un mot geint, un regard timide. Les frontières arpentées avec mon amant se meuvent à chacune de nos rencontres, chaque fois différentes. Au-delà de nos limites, les vôtres. Celles d’un monde insupporté auquel je suis étranger et duquel il m'éloigne, conscient des meurtrissures que ma mémoire abrite.
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mercredi 9 octobre 2013

02 - Attendre


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Ha* me dit d’attendre. Qu’il commence ses études, oui mais il ne deviendra pas médecin. Pour moi, il veut être chercheur. Pour me guérir*. Je lui souris tristement. Je sais mon mogwaï si rétif au vaccin... Néanmoins l'idée est belle : lui seul, si jeune encore, embrassant du regard ce champs de batailles noirci par les millions de cadavres, tous regrettés.


Son enthousiasme me plait. Et une certaine naïveté aussi – aux confins de la candeur. Le temps joue contre nous. Contre moi en tout cas. Et il ne le sait pas encore. Il doit encore apprendre à regarder le monde. Pour l’heure, il se contente de le vivre. J’aime Ha, il cultive mes champs d’espoir.

samedi 5 octobre 2013

77 - Ezio (partie 2/2) : Synchro

Ezio. Ainsi Ha* me surnomme-t-il parce que j’y joue depuis cet été. Ezio Auditore. Comme lui, du haut d’une tour de Moyen-Âge, je synchronise le monde en appuyant sur ce triangle vert. Rien ne m’échappe de ce qui se produit. Ni ne m’étonnera plus. Témoin solitaire du bonheur de mes frères. Ha* a trouvé cela « trop beau !».


Contemplé, imaginé, Ha* fait écho à Che-Nen, certes. En des gestes doux, tendres assurément, une savante construction prend forme avec son premier amant. Au-delà de l’émotion de la « première fois », plus rien n’existe vraiment. Ne pas y être exclut le reste de l’Humanité. Et moi.







Exilé donc* – en spectateur vigilant, comment m’y prendre pour éviter à l’un les erreurs de l’autre ?  A l’écart toujours mais cet écart me sauve : à eux étranger, une protection nécessaire contre cette nostalgie qu’ils m’engendrent. Mes tristesses ne peuvent pas – ne doivent pas – avoir l’importance de son bonheur. Cela ne serait pas dans l’ordre des choses.

* : Cliquer sur les liens.

mercredi 2 octobre 2013

76 - Ezio (partie 1/2) : Echo





Tel le rebond du soleil sur cet éclat de verre, un écho – de loin venu et subitement revécu – vibre la surface de mon présent. Encore étourdie, ma mémoire peine. Les mêmes mots…








Octobre 1991. Comme par jeu, Che-Nenprend soin de n’oublier aucun détail * : ses dix-sept ans n’ont pas résisté à l’espoir d’un amour sans fin. De même, Ha, cet après-midi, me confie-t-il sa propre rencontre. Au même âge, les voici amoureux de cette première fois tant espérée. Vingt-deux ans me les séparent pourtant.
A l’un et l’autre, j’ai dit les mêmes mots d’espoir : de ne pas s’impatienter de cet amour, d’y croire. Disant cela, sans doute aussi, le même regret – du père pour ses fils – de les voir s’éloigner. Voilà que de nouveau, je prends peur à l’évocation du visage défait de Che-Nen à l’écroulement de son rêve. M’en a-t-il tant voulu pour m’exiler ainsi de sa mémoire !










Vingt-deux ans après – comme en écho – sourd la même vague d’effroi : aurais-je cette impuissance à protéger Ha des affres de l’amour lorsqu’il s’enfuit ? 


* :cliquez sur le lien.