Esclave de mains étrangères. Chaque matin, mon corps se lave, avec moult minuties, des miasmes de ma vie. La main adoucit la honte d'être ainsi offert au regard, au jugement, au mépris. Peu à peu, tout le long de ces semaines, cette même main redonnera un sens à ce corps déchiqueté. Au
dixième jour – était-ce là une réponse au silence de mes larmes ? – un peu
plus insistante à cet endroit, la main soupesa mon sexe alourdi des fatigues et
des privations. S’y attarda un peu. Larmes dignes. Petit à petit, elle ré-apprendra à mon corps sa fierté.
D'autres mains encore, pour les pansements. Pas moins expertes mais plus rudes. La compassion cédait alors sa place à la froideur du geste médical. Pire encore, ces regards d'internes arrogants, essaim servile et quotidien de leur professeur. S'oublier derrière ces mots savants qui ne regardent qu'eux et attendre que le drap recouvre enfin mon corps offert, la reine enfin évacuée vers d'autres patients.
Perfusé, nourriture interdite. Six jours de cette diète. Puis un régime "purée-pâtes" lors des dix premiers repas. Un matin, on s'avisa de ce que je prendrai : café noir ou au lait, deux biscottes. L'odeur du café allait enfin avoir un goût ! De ce jour, à chaque fois, un peu plus m'était accordé : un carré de beurre, deux autres biscottes, de la confiture.
La purée et les pâtes colorées de quelques carottes, augmentées de viandes puis d'un peu de sauce. Le vert de la salade me parut insensé.
*Oblation : Acte par lequel le prêtre offre à Dieu, pendant la messe, le pain et le vin qu'il doit consacrer.
Le séjour dans ce service de chirurgie générale dura près de trois semaines.