jeudi 26 février 2015

09 – Encore !



La droite caresse puis claque, pince, tord, pénètre, ressort, me laboure – sourde à mes plaintes étouffées par la gauche dont les doigts m’emplissent la bouche.







Son odeur musquée masque mal la violence de son retour. Ma peau – son absence de dix-sept jours, Farid l’a rendue amnésique – accepte avec délectation cette autorité jouée. Quel territoire doit-il outrageusement marquer comme le sien pour user de tant de violences ?








A son habitude, la douche ensuite le disculpe de tout tort. C’est moi qui – en docile hôte habile – l’essuie, le rhabille, lui ouvre la porte – nous souhaitant de bientôt nous revoir.

mercredi 25 février 2015

08 - Lettre n°5

 (1) Mon épouse avait cet extraordinaire réflexe de toujours répondre par un "non". Quitte, si la réponse devait être logiquement positive, à poursuivre par un "mais" ou un "ceci dit" alambiqué... Et si la logique ne passait pas, elle n'hésitait jamais à affirmer à son interlocuteur la mauvaise formulation de son propos.




                                               Lettre n°5
                                                   de B......., le 09 avril 1999.


                                         Papa,
Le printemps semble revenu : les bourgeons éclatent. Mais comprenne qui pourra : rien ne va. voici un meuble bas, dans le vestibule d'entrée. Propre, repeint de frais, mignon. Poser ses affaires dessus ? Que nenni ! "Affaires", beaucoup dire ! Quoi au juste ? Un porte-monnaie, un mouchoir, ce qui encombre les poches lorsque tu sors... Mais non ! Il est  juste là pour des mouchoirs dans ses tiroirs. C'est écœurant comme le beau devient, tout à coup, encombrant, gênant, laid.
Une journée seul, hier. Les autres étaient allés s'amuser à la Mer de sable. Tu connais pour m'y avoir emmené, gamin. Ils reviennent vers 19h30. Content de leur retour, j'aimable à qui mieux-mieux, je dis sincèrement que j'aime. Question : "Tu n'as rien fait aujourd'hui ?" "C'est incroyable, il reste tant de choses à faire et j'ai l'impression d'être la seule à en avoir conscience ! " C'est écœurant comme l'amour devient, tout à coup, encombrant, gênant, haineux.
Ce matin, elle part travailler sans dire au revoir, sans un seul bisou. La raison ? Une dispute ! Pourquoi ? Voici l'affaire : ton petit-fils, hier, a acheté un pistolet à eau... La conversation finit par rouler sur les carabines à plomb. Évocation d'un souvenir personnel : "Lorsque j'étais plus jeune, nous en avions une..." Réponse-missile (1) : "Ah bon ? Mais non ! Je ne te crois pas ! Tu dois confondre ! C'est étonnant !" Rétorque : "Mais puisque je te le dis !" Il parait que sa "remarque" était gentille. Je n'y ai vu que dénégation...
Et supporter tout cela alors que le printemps semble revenu et que les bourgeons éclosent... A te faire regretter l'hiver et ses bourrasques neigeuses.
Bisous à toi.

jeudi 19 février 2015

07 - Lettre n°4


(1) Pendant une demi-année scolaire, sans vraiment pouvoir maitriser, je passais le plus clair de mon temps à parler de moi à mes élèves, à les prendre comme témoin.
(2) Mon ex-épouse n'a jamais pu admettre qu'elle pouvait avoir tort. Cette intransigeance provoquait parfois des situations absurdes en l'obligeant parfois à nier les évidences.



                                                Lettre n°4
                                                    de B......., le 24 mars 1999.


                                       
                            Mon cher père,
Je me permets de t'écrire de nouveau sans attendre ta réponse (toi et moi savons parfaitement combien cette phrase est un artifice, une sorte de luxe rhétorique) tant je suis profondément perturbé depuis quelques temps.
Je le suis sans doute à cause de mes élèves... Je ne sais pas pourquoi mais, depuis ton départ, j'ai lentement glissé -- face à eux -- vers une posture dangereuse : celle qui consiste à n'être que grâce à eux (1). Grâce au soutien du docteur I**** (dont je te causerai un jour), j'étais peu à peu parvenu à éviter ce piège, ce leurre. Mais là... Boum ! "Boumbada...boum", Lilou multi-pass et compagnie... depuis ton départ, oui.
Sans doute devais-je de nouveau trouver un renvoi de mon image satisfaisant. Et bien-sûr, ce qui devait arriver arriva : ce genre de jeu est, très, dangereux.
Néanmoins suis-je entrain de m'en sortir peu à peu. La pente est longue à remonter, savonneuse aussi. Et quoi ? Voilà que ma propre épouse se met aussi à gratter le morceau de savon. Oh ! ce ne sont que quelques copeaux mais c'est bien suffisant pour me faire de nouveau glisser... Sans le faire exprès, insidieusement, me voilà responsable de choses négatives... Responsable d'une pompe qui merde, d'un raisonnement fallacieux, de l'absence de relations amoureuses physiques, de son mal d'estomac, d'une ambiance corrosive à la maison.
Trois fois depuis une semaine, l'envie m'a pris de partir, de tout plaquer là, de ne plus avoir la force de faire les efforts nécessaires pour que les autres se sentent bien.
Et trois fois, je ne l'ai pas fait... M'enfonçant davantage dans l'idée nauséabonde que de responsable j'en devenais coupable.
J'ai essayé chaque fois de m'expliquer. Chaque fois j'ai tenté de lui démontrer combien son refus systématique d'avoir tort (2) me pesait puisque cela m'obligeait à en prendre la charge. Charge trop lourde pour mes petites épaules. Tu sais, toi, combien je suis fragile, cassant, cassé, fêlé. Que ces fêlures-là peuvent aussi bien être un formidable moteur tout aussi bien qu'une saloperie de machine à tuer.
Ces temps-ci sont, très, difficiles à vivre.
A bientôt,

mercredi 18 février 2015

06 - Lettre n°3

                                          

                                           Lettre n°3

                                                 de B......., le 16 mars 1999, 11h50.



                                                                    
                                                                        Papa,

S'il reste une place, à côté ou pas loin de toi, surtout garde-la moi. Ici, tout fout le camp ; la preuve ? Rien ne bouge !
Ma mère semble s'enfoncer de plus en plus dans une sorte de folie quotidienne ordinaire... C'est exagéré de dire cela mais aussi très vrai. Hélas.
Que faut-il donc faire pour coller parfaitement à la réalité ? Être en totale adéquation avec ce qui est, ce qu'on est, ce qui se passe et ce à quoi l'on tient ? C'est un peu ça que j'aurais tendance à te reprocher de ne pas m'avoir appris.
Mais peut-être n'est-ce pas à toi de me l'apprendre ? Peut-être n'est-ce pas là le rôle du père ? Je crois que si quand même parce que je pense que je tends à faire cela avec on propre fils.

                                                                                               Réponds-moi vite.


lundi 16 février 2015

61 – Oublis

Coups de téléphone de Monex. Insistant, cajolant. Il a besoin… d’argent, de conseils, de tendresses, de caresses… Chez lui, tout se mélange. Il me rappelle nos frasques du temps d'une splendeur si lointaine… Des positions improbables...des mots excitants... Me dit n’avoir rien oublié de tout ça… Ça lui manque… Il a envie de moi à nouveau…
Ma mémoire me fait défaut. M’invente-t-il des souvenirs pour m’attendrir ? Le connaissant, pourquoi pas ? Il me demande de l’argent et mon sexe s’enduit de miel dont il se régale. Le temps glisse sur moi, une douche, et cette eau sale-là s’évacue dans des égouts nauséabonds.

05 - Lettre n°2



(1) Je vous écris du plus lointain de mes rêves était à l'époque le titre d'une émission de France Inter animée par Claude Villers.

(2) Nous avions racheté un très-très vieux presbytère en 1994. Impossible à retaper sans l'aide précieuse de mon père. Sa dernière activité, deux jours avant son décès, a été d'y poncer une grille.

(2) C'est le jour où je le vis pour la dernière fois vivant. Le lendemain soir, il fut hospitalisé puis transféré dans  la nuit vers un Centre Hospitalier Régional où il décéda le mercredi. Je me suis refusé à le "visiter" sur son lit de mort.
  


                                             Lettre n°2

de B......., le 28 février 1999, 09h00.


Papa,
Voilà une semaine je crois que ma première lettre est partie. Sans doute, dans ces sauvages contrées, n'y-a-t-il point de poste ? Qu'importe ! Je m'en arrangerai bien, certain que tu me lis.
Cette première finie, j'en regrettais déjà l'en-tête. J'aurais aimé un truc ampoulé et distant du genre :

"Très cher Père,
Je vous écris des plus lointains de mes rêves..."

J'aime cette phrase, un bel incipit, déjà entendu ça et là (1). Rien de nouveau, en somme.
Aujourd'hui, le temps est aussi ensoleillé et frais que lorsque vous veniez nous aider à la reconstruction de cette maison(2), toi et ma mère. Et, en plus, nous sommes dimanche(3)  !
Ecrire ce matin m'ennuie.
à bientôt.