L’homme que j’ai aimé fut un
havre. Bateau ivre, toujours apeuré des autres, différent, effrayé de cette
différence. Eux ne sont pas moi et aucun ne sera miroir. Dans ses yeux s’étendait
mon royaume, infini. Aujourd’hui encore, ces limites invisibles me rassurent.
Incommensurable, nul n'a su l’arpenter, ni lui donner une mesure, encore moins
le limiter. Mon royaume n'est qu'à moi. A ses portes, le bleu des pupilles des yeux de mon père garde son secret. Moi seul en savait les clés.
Les hommes que j’ai aimés scintillent encore. Falots dans mes tempêtes. Utilités aléatoires puisque les relier les uns aux autres ne m'a jamais permis de tirer aucun itinéraire. Juste un
parcours illogique. Ou alors sa logique m’échappe. Ou alors je suis tout à fait
fou. Ou alors enfant dans les yeux de mon père. Au monde, quoi !
L’homme
que j’aime [Eric, il s’appelle Eric, je l’aime, Eric] a tout de mon père. Son
âge à ma naissance. Son regard dans lequel je chevauche des contrées inconnues
à brides abattues, rassuré de la brutalité de mes jours. Sa voix, le grain de sa voix aussi, qui façonne au monde un rempart qu'aucun ne s'aventurera à franchir.